L’Économie verte: Reconnaître le risque, maximiser le rendement 

 

Christophe Nuttall

Directeur exécutif de R20 Regions of Climate Action

 

Dans les années qui ont suivi l'Accord de Paris de 2015, des réalités contradictoires se sont clairement manifestées. L’écologisation des économies en développement dans le monde représente une opportunité d’investissement de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Et le déficit d'investissement dans les infrastructures sous-nationales (régions et villes) à faibles émissions de carbone et résilientes au climat atteint également des milliards de dollars. L’Accord de Paris, qui prévoyait que certains pays maintiendraient le réchauffement climatique «bien en deçà» de 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, et idéalement d’un maximum de 1,5 degré, marquait la reconnaissance politique internationale de la menace urgente posée par le changement climatique. Mais la poursuite des progrès politiques est liée à une transition économique durable. Le financement public du développement ne suffira pas à lui seul pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris ou les objectifs de développement durable des Nations Unies. L'investissement d'impact le pourrait. En fait, il le fait déjà. R20 a démontré que cela fonctionnait dans la Wilaya d'Oran, en Algérie (gestion zéro déchets), et dans l'État du Mato Grosso, au Brésil (éclairage publique LED). D'ici la fin de l'année, un troisième projet (50 MW solaire) d'investissement à impact dans la province de Kita, au Mali, sera opérationnel. Ainsi, il est possible, dans les pays en développement, que des fonds d’origines diverses, soient investis, à l’échelle infra étatique, dans des projets de taille moyenne, susceptibles d’avoir un impact social, économique et environnemental élevé, ainsi qu’un retour sur investissement non négligeable (5 – 15 % ROI). Le PNUD, en 2009 reconnaissait déjà que les collectivités territoriales  pouvaient jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre le changement climatique.

Cela a un sens économique et environnemental. Environ la moitié de la population mondiale vit dans les villes; d'ici 2050, cette proportion devrait atteindre 70%. Les zones urbaines consomment les deux tiers de l’énergie mondiale. Les autorités infranationales ont des responsabilités et un pouvoir locaux. Le PNUD a déclaré qu’il leur incombait de mettre en œuvre 70% des solutions permettant d’atténuer les effets du changement climatique et 90% de celles permettant l’adaptation aux effets du changement climatique. Les décisions relatives aux transports publics, à la gestion des déchets, à l'éclairage public économe en énergie, au réseau d'énergie renouvelable à petite échelle ou non connecté au réseau et à d'autres infrastructures durables sont principalement prises au niveau sous-national. Et c’est au niveau local que les impacts sociaux et environnementaux des politiques et programmes se font d’abord sentir et que c’est là que réside la plus grande opportunité de créer des emplois, de stimuler l’économie et, du point de vue des investisseurs, de gérer les risques. La gestion des déchets, les projets solaires et l’éclairage des rues à LED sont des investissements modestes mais qui ont des retombées positives sur tous les plans (social, environnemental et financier).

En conséquence, en 2015 à la COP 21 et lors du Sommet One Planet 2017 organisé par le président français Emmanuel Macron, l'approche infranationale ascendante a été fortement affirmée comme essentielle pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. C’est là que R20 a présenté sa nouvelle chaîne de valeur: i.) En permettant aux sous-nationaux d’identifier leurs projets d’infrastructure verte, ii.) En permettant à l’assistance technique de rendre le projet financièrement viable et attractif pour les investisseurs publics et privés, et iii.) La structuration, avec des gestionnaires de fonds à impact, de véhicules de financement combinés permettant aux investisseurs publics de dérisquer le projet et donc de sécuriser les investisseurs privés.  De toute évidence, la prochaine étape en matière d’investissement à impact et de technologie tenant compte du climat concerne des initiatives allant dans le sens des objectifs et de la démarche du Fonds vert global du R20. Première initiative de ce type au monde, le Fonds vert global du R20 associe des fonds provenant de philanthropes, de gouvernements, d’institutions de financement du développement, de banques de développement et d’investisseurs privés pour 15 projets de taille moyenne dans 10 pays, en Inde, en Afrique et en Amérique latine

Pour combler ce déficit de financement auquel la plupart des autorités locales et régionales sont confrontées dans le monde entier car les institutions financières internationales ne sont pas légalement équipées pour travailler au niveau sous-national, le Fonds vert mondial R20 associe des fonds provenant de philanthropes, de fondations, de gouvernements, d'institutions financières de développement, de banques de développement et de investisseurs privés, déployant un écosystème unique qui accélère l’identification, le développement et la livraison d’un portefeuille de projets bancables. Le Fonds mondial vert R20 investira dans un maximum de 15 projets, combinant une assistance technique financée par des dons de 5 millions USD (pour financer des études de faisabilité de projet), avec des engagements d'investissement de 50 millions USD de sources publiques gouvernementales au niveau de la tranche junior (faible rendement) investissement avec un risque de première perte) permettant aux investisseurs privés d'obtenir 200 millions de dollars (rendement élevé de l'investissement avec des risques réduits)

Le fonds R20 vert Global est sur la bonne voie pour être reproduit ailleurs dans le monde, notamment le réseau de capitales et de régions d'Amérique latine engagées dans la lutte contre le changement climatique, dans les Caraïbes, dans la Méditerranée et dans le Commonwealth, qui compte 53 membres. L’annonce de ces fonds sous-nationaux pour le climat lors du sommet de l’action pour le climat des Nations Unies à la COP 25 est la première étape d’une longue route menant à l’initiative 5B +. L’objectif est de mobiliser entre 5 et 8 milliards de dollars d’investissements institutionnels dans des projets percutants qui alimenteront ce que l’ONU appelle «la course au sommet». Cela peut être gagné.

 


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